Vous trouverez ci-dessous :
- une vidéo replay de l’échange enregistré en présence de Franck Cuveillier, co-réalisateur et co-auteur du film et de Stéphane Foucart, co-auteur du film et journaliste (Le Monde)
- une sélection de questions-réponses bonus (posées par les élèves).
Détails des chapitres :
1. Sondage à destination des élèves : à votre avis, combien de temps a-t-il fallu pour faire le film (de l’idée à la diffusion) ?
2. Comment avez-vous eu l’idée de faire ce film ?
3. Pourquoi avez-vous multiplié les exemples plutôt que de n’en traiter qu’un seul ?
4. Avez-vous reçu des menaces pour ne pas diffuser votre film ? Certaines personnes étaient-elles contre ce film ?
5. Si l’opinion publique connaît les dérives du marché international, pourquoi ne fait-elle rien ?
6. Comment les journalistes restent-ils impartiaux face à des résultats scientifiques qui pourraient être contraires à leurs convictions ?
7. Existe-t-il une méthode précise pour séparer le vrai du faux dans les enquêtes ?
8. Est-ce que cela a été compliqué d’accéder à certaines informations ?
9. Les intervenants de votre documentaire sont en grande partie américains. Où en est l’agnotologie française ?
10. Avez-vous fait ce film en rapport avec le COVID ? Est-ce que les exemples ont été choisis pour une analogie avec le COVID ?
11. Sondage à destination des élèves : à votre avis, est-ce que dans 10 ans, la fabrique de l’ignorance sera encore plus développée ?
12. Avez-vous d’autres projets de films scientifiques ?
13. Combien de personnes ont travaillé sur ce film ?
14. Pourquoi la science établie aujourd’hui est-elle de plus en plus remise en cause ?
15. La réalisation de ce documentaire a-t-elle changé votre vision de la science ?
Questions bonus / Réponses de Pascal Vasselin, co-auteur et co-réalisateur du film
Existe-t-il une loi qui interdit les recherches financées par l’industrie pour discréditer des recherches scientifiques ?
Pascal Vasselin : à ma connaissance, il n’y a pas de loi. Il y a plutôt un ensemble de règles, par exemple, sur la déclaration de conflit d’intérêt. C’est dans le détail de l’application de ces règles qu’il peut y avoir des abus.
Pourquoi les convictions politiques impactent-elles les visions scientifiques ?
Pascal Vasselin : C’est tout l’apport de la psychologie : notre cerveau est fait pour nous faciliter la vie. Si des faits scientifiques viennent contredire notre vision du monde (par exemple, nos convictions politiques), nous aurons tendance à écarter ces faits scientifiques pour protéger notre vision du monde. Dans la famille des biais cognitifs (ces mécanismes qui peuvent distordre notre appréciation de la réalité) le “biais idéologique” est, d’après les chercheurs en psychologie, l’un des plus puissants. Autrement dit, nos convictions politiques peuvent impacter nos certitudes scientifiques plus que d’autres biais. Dans le film, l’exemple que nous développons est celui du climat-scepticisme. Aujourd’hui, on voit ce biais agir très fortement sur la question des vaccins. Aux Etats-Unis, les électeurs républicains croient beaucoup moins au vaccin que les électeurs démocrates (je cite les Etats-Unis parce que des sondages existent là bas sur cette question, alors que je n’en ai pas vu en France)
L’agnotologie a-t-elle un impact sur les problèmes existant entre les entreprises et les scientifiques ?
Pascal Vasselin : C’est tout l’enjeu. L’agnotologie devrait se développer pour avoir un impact. Elle devrait être un outil de plus en plus répandu pour s’assurer que les processus scientifiques normaux ne sont pas pervertis au profit d’intérêts particuliers.
Attention : l’agnotologie n’étudie pas seulement certaines mauvaises pratiques scientifiques de l’industrie. Elle étudie aussi tout ce qui freine le progrès scientifique involontairement et toutes les raisons au sens large pour lesquelles nous ne savons pas quelque chose. Le film ne doit pas faire croire que notre ignorance n’est que le fruit d’un vaste complot de l’industrie contre la connaissance. Ce n’est pas le cas.
Avez-vous souvent été surpris par vos recherches lors de la réalisation du film ?
Pascal Vasselin : Personnellement, je n’ai pas cessé d’être surpris. Par l’inventivité et le culot des faussaires. Par la puissance de nos biais à tous. Par l’originalité de l’approche agnotologique qui nous pousse à nous demander “Pourquoi nous ne savons pas telle ou telle chose”. Par le concept de ”l’Undone science”…
Combien de personnes ont travaillé sur ce documentaire ?
Pascal Vasselin : Le générique doit comporter une quarantaine de personnes. J’y ai travaillé à presque temps plein entre début 2017 et fin 2020.
Comment avez vous financé la réalisation de ce film ? Avez-vous créé des partenariats ?
Pascal Vasselin : C’est une question légitime et récurrente. Les financements ne viennent d’aucun partenariat, aucune industrie, aucun groupe d’intérêt. Le film a été financé par les chaînes de télévision qui l’ont co-produit (Arte principalement) et par le Centre National de la Cinématographie. En complément, la production a sûrement cherché des financements publics habituels (fonds européen ou régional de soutien au documentaire, pour la musique originale etc). Aucun des co-auteurs du film ne travaille par ailleurs pour une industrie ou un groupe d’intérêt quelconque.
Pourquoi ne pas avoir proposé plus de solutions face à cette fabrique de l’ignorance ?
Pascal Vasselin : Bonne question. Faute de temps surtout. Je vois des solutions de deux ordres :
— Collectivement : l’agnotologie devrait se répandre dans les universités, et se faire entendre plus dans les labos, les centres d’étude, les parlements, les agences sanitaires, les journaux… L’agnotologie est une méthode très rigoureuse, scientifique, pour débusquer les obstacles volontaires ou involontaires à la science. Beaucoup plus rigoureuse que les discussions sur les forums habituels sur les questions scientifiques.
— Individuellement : ne pas forcément croire les faux prophètes sur Youtube qui disent “J’ai la vérité sur les vaccins” ou “On nous ment sur le climat”… Même s’ils paraissent adopter une attitude scientifique (l’attitude scientifique c’est facile à imiter, mais la démarche scientifique, c’est BEAUCOUP plus minutieux). Et nous devrions aussi nous pencher tous sur nos propres biais pour comprendre ce qui peut parfois déformer nos visions et nous amener à suivre telle ou telle croyance. Nous poser la question : “Pourquoi suis-je plus disposé à croire ceci ?…”, “comment fonctionnent les biais chez les autres et chez moi ?”. S’intéresser à la psychologie.